Spectre est un projet de plateforme de podcasts pour celles et ceux qui aspirent à comprendre le monde dans lequel nous vivons, et à le transformer.

Si nous avons décidé de lancer un tel projet, c’est d’abord que le paysage médiatique est profondément abîmé. Structuré par la quête des recettes publicitaires et des logiques d’audimat de plus en plus envahissantes, c’est la recherche du « buzz » qui y règne, supposant la production dans l’urgence d’une information au rabais. En outre, très majoritairement captés par le capital privé, les médias traditionnels sont dominés par une clique d’idéologues néolibéraux et réactionnaires omniprésents, ce qui a pour conséquence une dégradation du débat public et un pluralisme anémié – que ce soit sur le plan politique, social, intellectuel ou culturel.

Dans ce contexte, nous avons besoin – outre d’une presse écrite exigeante et indépendante des pouvoirs (économique et politique) – de contenus audios mettant à disposition une information de qualité, diffusant de manière accessible des savoirs critiques, et les mettant en discussion. C’est ce que Spectre veut proposer : des podcasts pour aller au fond des choses et à la racine des problèmes, pour aborder une large variété de questions en proposant des analyses documentées, pour tisser un lien avec les mobilisations qui se développent partout, en France et bien au-delà, contre les régressions sociales et démocratiques, les offensives masculinistes, hétérosexistes, nationalistes et racistes, mais aussi les menées colonialistes et impérialistes.

La mise en place de Spectre vise aussi à affermir les liens entre médias alternatifs, collectifs antiracistes et féministes, associations écologistes ou encore organisations syndicales – non en créant un nouveau cadre militant unitaire mais en proposant une plateforme fonctionnant de manière souple et largement décentralisée. Plutôt que de partir en ordre dispersé sur le terrain du podcast, ou pire en concurrence, chacun·e à partir de son site propre au risque de l’invisibilité de tou·tes, nous voulons faire émerger un point de ralliement qui soit un point de référence, une commune dans laquelle chacun profite de l’audience des autres, afin que des dialogues fructueux se nouent et que deviennent plus audibles nos analyses et nos pensées critiques, mais aussi nos doutes et nos débats.

C’est une évidence peut-être mais mieux vaut l’affirmer clairement d’emblée : Spectre n’a pas de ligne politique et n’aspire nullement à en construire une. La diversité des positions qui s’expriment sur la plateforme est un principe auquel nous tenons fermement. Cette ouverture et ce pluralisme sont des conditions fondamentales pour que se fassent entendre des voix discordantes sans lesquelles un tel projet serait voué à dépérir, pour que nous puissions progresser, par la confrontation des points de vue et la rencontre de perspectives parfois contradictoires, mais aussi pour permettre à d’autres voix de se faire entendre et d’enrichir la plateforme de nouveaux podcasts à mesure que le projet se développera.

Pour autant, cela n’équivaut pas à une neutralité éthique et politique : nous souhaitons nous tenir fermement du côté des dépossédé·es et des opprimé·es. La critique des idéologies qui tendent à légitimer l’ordre social est donc pour nous fondamentale, de même que l’action pour en finir avec toute forme de domination. Dès lors, si Spectre n’a pas de ligne préétablie, le projet se fondera sur un certain nombre de valeurs communes – d’égalité, de justice sociale et d’internationalisme – qui supposent un engagement en faveur des mouvements d’émancipations féministes, antiracistes, décoloniales, écologistes, LGBTQI+, anticapitaliste – la liste est longue.

Précision utile, enfin : Spectre ne constitue nullement un projet commercial, mais une coopérative de podcasts, et se trouve donc adossée à une association à but non-lucratif, Les Ami·es de Spectre, dans laquelle les décisions sont prises démocratiquement par celles et ceux qui acceptent de s’y engager, et c’est aussi dans ce cadre que pourra être discuté collectivement le respect des valeurs évoquées plus haut. Nos choix sont et resteront ainsi dictés, non par une recherche de profit, mais par l’objectif de faire entendre la critique d’un monde d’exploitation, d’oppressions et de destructions environnementales auquel il n’est pas question de nous résoudre ou de nous conformer.